Oui, l’Homme fut un essai

“”On peut concevoir les philosophes comme des êtres qui font l’effort le plus extrême pour expérimenter jusqu’où l’homme peut s’élever. “

Patrick Wotling cite Nietzsche (Fragment posthume 11) puis écrit ” … la tâche qui s’impose véritablement au philosophe est de créer, puis d’imposer, des nouvelles valeurs, gestes qui se justifient, on l’a dit, non pas en ce que ces valeurs seraient plus vraies, ni plus justes, mais en ce qu’elles feront advenir un renforcement de l’homme, en ce qu’elles susciteront – à long, à très long terme – l’apparition d’un type humain nouveau, tirant les leçons de l'”essai” que fut l’homme jusqu’alors, un type plus sain et plus fort, comme l’écrit parfois Nietzsche de manière imagée, est en ce sens “assuré d’un avenir.””

Patrick Wotling. “Oui, l’homme fut un essai”. Préface.

Ce fragment et son commentaire redéfinissent la philosophie nietzschéenne : elle n’est pas une recherche de vérité, mais une expérimentation créatrice et une législation des valeurs.
Le philosophe comme expérimentateur
Nietzsche conçoit le philosophe comme un explorateur des limites humaines. Il ne contemple pas le monde de manière détachée : il met sa propre existence en jeu pour tester jusqu’où l’homme peut s’élever. La philosophie devient un Versuch — un essai, au sens fort : une expérience risquée et transformatrice.
Créer un type humain supérieur
La tâche du philosophe n’est pas de découvrir des valeurs « vraies » ou « justes », mais d’en créer de nouvelles. Celles-ci ne se justifient pas par leur conformité à une morale ou à une vérité préexistante, mais par leur pouvoir de renforcement : elles doivent favoriser l’épanouissement, la santé et la puissance de l’homme.
Le critère devient vital plutôt que moral : une valeur vaut si elle fait croître la vie et prépare l’apparition d’un type humain plus fort, plus lucide, plus affirmatif.
Ainsi, la philosophie devient une biologie spirituelle : un travail sur les formes de vie. Créer des valeurs, c’est expérimenter des conditions nouvelles d’existence. Le philosophe est celui qui met en jeu sa propre vie pour engendrer un homme plus libre, plus lucide, plus affirmatif — un homme « assuré d’un avenir ».
Une grande politique de l’avenir
Cette œuvre s’inscrit dans une temporalité longue — celle d’une grande politique de l’esprit. Le philosophe agit comme un médecin de la culture : il diagnostique la décadence des valeurs anciennes et propose de nouvelles orientations capables d’assurer un avenir à la vie.
En somme, le philosophe est chez Nietzsche un créateur d’humanité : non un gardien de la vérité, mais un législateur de l’avenir, dont la mission est de transformer l’homme en un être plus sain, plus fort et plus libre.

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