Jouer, la plus haute expression de la liberté

“ATZ : Et comment définir la liberté ?
DG : Je conçois la liberté en termes de jeu, ou pour mieux dire, je conçois le jeu comme la plus haute expression de la liberté.
…Tout jeu génère des règles, mais les règles menacent alors d’étouffer le jeu. Il s’agit d’une tension constante. Donc pour moi, la liberté, c’est précisément cela, le jeu perpétuel du principe du jeu contre les règles qu’il a créées.
… La liberté est votre capacité à entrer volontairement dans des relations de contraintes et à en sortir de nouveau.”

David Graeber, l’anarchie pour ainsi dire, Parti, liberté 1, ressources infinies, et liberté 3, amitié, jeu et quantification.


Pour David Graeber, la liberté n’est pas l’absence de contraintes mais :

  • la capacité à créer, accepter et transformer volontairement les règles, comme dans un jeu
  • entrer volontairement dans des règles (le jeu) et pouvoir s’en extraire ou les transformer.
    C’est une mobilité volontaire dans un champ de contraintes créées par soi ou par d’autres.

Plusieurs points clés se dégagent :

  • le Jeu comme modèle : un jeu invente ses propres règles. Cette création spontanée est l’acte libre par excellence.
  • Jeu ≠ chaos — Le jeu institue des règles : sans règles, pas de sens du jeu. Les règles donnent forme à l’action ; elles rendent possible la liberté vécue (on choisit dans un cadre).
  • Tension productive — Les règles menacent d’étouffer le jeu; le jeu menace de rendre les règles obsolètes. Cette tension est le moteur créatif de la liberté : l’équilibre bouge constamment.
  • Volonté et sortie — Ce qui distingue la contrainte libératrice de la contrainte aliénante, c’est la possibilité de consentir et de quitter : si tu peux partir, tu restes acteur. La vraie contrainte est l’impossibilité de les remettre en question.

La liberté, c’est le geste continu de jouer — c’est choisir d’entrer dans des contraintes utiles, et garder la possibilité de les transformer ou de s’en retirer.

Dans le contexte de David Graeber, Gagner dépasse le sens conventionnel du terme, notamment compétitif (vaincre quelqu’un, accumuler, dominer).

Gagner, c’est :

  • préserver le jeu — maintenir vivant ce mouvement entre contraintes et liberté, continuer à créer, négocier et transformer les règles. Le vrai échec serait que les règles deviennent immuables et étouffent définitivement le jeu.
  • participer au jeu lui-même
  • rester capable d’entrer et de sortir du cadre que tu as choisi.
  • savoir rejouer – transformer la règle sans détruire la liberté qu’elle rend possible – pour continuer à jouer.
    Tu perds quand le jeu se fige — quand les règles deviennent des dogmes, quand tu ne peux plus bouger sans tout casser.

Gagner devient alors un processus de création et de réinvention collective, sans fin.
Le but n’est pas de terminer la partie, mais de la faire durer en maintenant la liberté vivante.
Le triomphe du vivant sur le figé, du jeu sur le système.

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